mercredi 24 avril 2013

La gêne


J’étais gênée au primaire. Vraiment gêner. J’angoissais chaque jour. Je saignais du nez, je vomissais, je m’évanouissais, des fois je faisais pipi dans mes culottes. Personne ne savait que j’étais gênée, probablement parce qu’on ne prend pas le temps d’analyser nos comparses de classe en profondeur quand on est en train de jouer à l’élastique dans la cour d’école.

Pour moi, ça a été relativement simple. Un jour j’étais tannée de me sentir mal à chaque seconde. Je me suis fachée. Je me suis dit : j’ai bien le droit d’avoir une opinion, de me tromper, de faire des niaiseries (de vivre quoi!). J’ai arrêté d’avoir peur de dire la mauvaise chose et je me suis mise à… dire la mauvaise chose. Je suis même devenue humoriste. Je monte sur une scène avec tout ça qui me trotte dans la tête. J’ai bien le droit. J’ai le droit à ma place, j’ai le droit de dire des niaiseries et de me tromper au pire, personne ne va mourrir. J’ai le droit d’être qui je suis.

La gêne affecte un de mes enfants, mon plus vieux.

Nous sommes allés à Beauharnois pour la Dictée des Gouverneurs de la Zone Mercier et en attendant les résultats, il a vu un petit de première ou 2e, lire un de ses textes sur scène lors du concours de jeunes poètes. Il regardait à terre, il tremblait, mais son poème était beau. Et il se comparait à un caméléon, l’animal préféré d’Antoine. Coup de cœur pour mon grand, il me demande aussitôt d’aller voir sa mère pour passer le mot à son fils, pour lui dire qu’il y a un grand caméléon qui est avec lui de tout cœur. Trop gêner pour approcher la mère ou le petit tout seul, il a néanmoins fait une connexion. 



Voici un texte d'Antoine, 12 ans, qui pourrait aider votre petit caméléon à se sentir moins seul.

 
La caractéristique qui me limite le plus dans la vie est ma gêne. Je vis avec depuis que je suis tout petit, ça m'affecte chaque jour. Je crois bien que je devrai vivre avec toute ma vie. Ça me dérange, je ne me sens pas bien.

Bien que je me force à parler à des gens, la gêne me perturbe. Je ne vais pas prendre la parole avec des étrangers et je lève ma main en classe seulement quand je suis sûr que je connais la réponse.

J'aimerais être invisible, ou avoir les caractéristiques d'un caméléon.

En ce moment je suis très malchanceux parce que je déteste parler devant une foule plus que tout et me v’là devant vous pendant un oral! Je me sens comme un animal dans un enclos et je veux me sauver. J'ai peur de me faire niaiser et de ne pas pouvoir me défendre à cause de ma gêne.

Et je ne suis pas seul. La peur de parler en public est d'ailleurs la peur numéro 1 de l'Américain moyen. On estime que 75% des gens ont peur comme moi!

Avant de parler en public, ou juste à y penser, on se sent mal. On ferait n'importe quoi pour ne pas aller à des événements où on doit parler en public, et même s'il y a juste une chance, on aimerait mieux rester chez nous.

L'adrénaline est en cause pour le sentiment que nous sommes en danger sont entre autres on entend mieux, nos pupilles dilatent, on sue plus, mal au cou, mal aux épaules ou au haut du dos, la bouche sèche. D'autres gens ressentent la panique, bégayent, tremblent ou ont la nausée. Je suis vraiment content que je n'aie jamais vomi pendant un exposé oral. Je suis pas mal sûr que le reste de ma classe aussi.

Il y en a qui prennent des médicaments pour leur anxiété et leur gêne devant les gens, mais je ne ferai pas ça.

Comme les gens ont plus peur de parler en public que de mourir, il y a une blague qui dit: quand les gens vont à des funérailles, ils ont plus peur de parler devant les autres gens que d'être dans le cercueil.

La gêne semble diminuer avec des gens que je connais bien et avec mes amis, et les exposés oraux sont beaucoup moins pires à deux que seuls.

Je n'ai jamais trouvé de solution concrète, mais sache que si tu es gêné comme moi, si tu détestes parler en public, tu es loin d'être seul.

1 commentaire:

  1. wow Antoine, je te félicite pour ton beau texte. Il faut du courage pour parler de nous comme tu le fais si bien. Je suis très impressionnée par ton aplomb et je suis certaine que malgré ta gêne tu iras loin dans la vie. Je vais te faire une confidence... moi aussi j'étais très gênée quand j'étais jeune et maintenant adulte (proche de 40 ans...) je peux te dire que j'ai vaincu ma gêne et qu'elle ne me paralyse plus. Je t'en souhaite tout autant. bonne journée! Sophie

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